– Série extraite du projet collectif ENTRE, [Mois de la photographie, Paris, 2008] –
ENTRE est un projet collectif mené par 14 étudiants en photographie de l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière. Chacun d’entre nous a rencontré un européen ayant quitté son pays pour venir s’installer en région parisienne et lui a demandé :
« Si vous rentriez dans votre pays natal, quels lieux, quelles personnes, quelles ambiances, aimeriez-vous retrouver ? »
De ces réponses sont nées des commandes, et nous nous sommes donnés pour mission de rapporter à nos « mandataires» un cliché représentant un élément, un lieu, un être cher de leurs pays d’origine.
Ce fut le point de départ de nos parcours européens, et de notre démarche réflexive sur le manque, la nostalgie, l’exil, mais aussi sur la retranscription au travers de l’image, d’une mémoire rapportée par le dialogue.
Ma rencontre avec Lambros à Paris m’a emmené sur l’île divisée de Chypre, et jusque dans son village, situé sur la partie occupée par la Turquie. Persécuté par l’armée turque, il fuit l’île en 1974. Mon parcours sur l’île démarre sur la partie chypriote grecque, membre de l’Union Européenne, et se poursuit de l’autre côté de la frontière, dans un pays que l’ONU refuse de reconnaître, principalement constitué de chypriotes turcs et de turcs nouvellement immigrés. C’est sur ces terres que j’ai cherché le petit village où a grandi Lambros et sa famille.
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43 degrés plus tard, dans ce petit village devenu turque, là où les drapeaux rouges fleurissent comme les orchidées, j’ai retrouvé la maison de Lambros.
De ce qu’elle était avant, ne reste que la première marche. Une famille turque y habite. Beaucoup de choses ont changées. L’église de son père, ancien pope du village, sert maintenant de remise au café voisin. Le cimetière est détruit. Et bizarrement, face à ce village, face à ces nouveaux habitants, je ne ressens ni la haine, ni la rancœur qui habite le cœur des hommes aujourd’hui exilés, dépossédés, privés de leurs terres et de leurs maisons.
Il fait chaud.